Menu

Manifeste pour la Santé des Jeunes

Pour une politique de santé
en faveur des jeunes


Au moment où l’Unicef, après son rapport sur la santé des adolescents dans le monde, prend le parti de mettre en avant leur protection...
Au moment où dans toute l’Europe, les politiques de santé en faveur des jeunes proclament la nécessité d’une approche globale et multi-professionnelle de la santé...
Notre pays détourne les yeux de cette priorité, diminue les ressources et segmente la prise en charge des adolescents et des jeunes adultes. 


L’adolescence…

Génération charnière de toute société, l'adolescence ne doit pas être abordée de façon négative, comme une période de dangers et de troubles. Entre l'enfance et l'âge adulte, c'est une période avant tout caractérisée par l'importance de sa dynamique évolutive et par la multiplicité des trajectoires possibles. L’adolescent  construit son avenir, cherchant à aller vers ce qu’il estime le meilleur pour lui et à s'émanciper de son enfance, bonne ou moins bonne, parfois pathogène et traumatique. Le surgissement de ses capacités nouvelles lui permet d'apprendre, d'imaginer, d'expérimenter. Mais cette période de mutation signifie également fragilité et exposition à de nombreux risques ou à des échecs, dans le champ somatique, psychologique, éducatif ou social – fragilité majorée lorsqu’il existe déjà une affection chronique (près de 10% des adolescents), accentuant les difficultés et les risques de cette période.

Les dispositifs de prévention et de soins destinés aux adolescents (tels qu’ils en existent déjà) doivent être conçus pour eux. Ce ne sont ni des enfants, ni des adultes. Les transformations physiques, psychiques et sociales que les adolescents vivent s’accommodent mal des frontières entre normal et pathologique, entre psychiatrique, somatique et socio-éducatif. Il faut leur redonner leur place centrale d’interlocuteurs, susceptibles d’autonomie et ayant droit au respect de la confidentialité et de leur intimité, sans jamais nier le rôle des familles.

Si la trajectoire de la majorité des adolescents est au bout du compte satisfaisante, il ne faut pas en conclure que la politique de santé en leur faveur doit se limiter à la désignation et au contrôle des symptômes les plus bruyants : prises de risque,  conduites dangereuses pour eux-mêmes ou pour les autres. Au contraire, c’est en accompagnant l'adolescence de tous, que les dispositifs de prévention, de protection et de prise en charge éventuelle sont les plus opérants. Cela nécessite différents niveaux d'aide, d'écoute et de soins qui jalonnent leur parcours.  Les signes d'alerte et les symptômes ne sont jamais à considérer de façon isolée : ils s'inscrivent dans une trajectoire et un contexte que seuls des rencontres et des liens établis dans le temps permettent  de décrypter.

Des avancées en matière de santé des adolescents

Les 3 dernières décennies ont vu d’importantes avancées en matière de santé des adolescents, basées sur :
  • L’approche globale pluridisciplinaire, centrée sur la personne, permettant de conjuguer le médical, le social et le psychologique.
  • L’accessibilité des services adaptés aux adolescents.
  • Le maillage territorial : les PAEJ (Points Accueil-Ecoute Jeunes), puis les ESJ (Espaces Santé Jeunes), et enfin les MDA (Maisons des adolescents), structures de proximité développées à un niveau national, inscrites dans une histoire partenariale, un territoire et des financements diversifiés.
  • La création d’unités de soins ambulatoires et hospitaliers pour les adolescents, associant prise en charge médicale, psychologique et psychiatrique
Ces dispositifs ont largement prouvé leur pertinence et leur efficacité, avec des effets mesurables sur la santé, grâce à un accueil sur site ou des interventions collectives dans les lieux où vivent  les jeunes. 


Mais des remises en cause inquiétantes

Aujourd'hui, nous sommes dans une période de remises en cause inquiétantes où l’on constate :
  • L'insuffisance d'une réelle politique de prévention à l'adolescence, trop souvent conçue comme une addition de programmes de réduction des risques :
    1. manque criant de moyens pour la santé scolaire ;
    2. fermeture d’Espaces Santé Jeunes et de Point Accueil-Ecoute Jeunes ou coupures budgétaires telles qu’elles mettent en danger le maintien de leurs activités ;
    3. insuffisance de la prévention individuelle des troubles de l’adolescence, dans le continuum de l’enfance, assurée également par les pédiatres de ville  dont le nombre est en diminution ;
    4. insuffisance de personnel et de formation concernant la prévention en matière de vie affective et sexuelle, et de planification familiale, particulièrement auprès des adolescent(e)s ;
    5. insuffisance de moyens pour la psychiatrie infanto-juvénile, qui impacte son action tant dans le domaine de la prévention que dans celui ses soins. 
  • Dans le domaine des soins curatifs :
    1. l’absence d’unités de médecine de l’adolescent hospitalière et/ou ambulatoire sur une grande partie du territoire ;
    2. la fermeture programmée de lits, voire d’unités dédiées, notamment par le non remplacement des départs à la retraite des professionnels spécialisés ;
    3. l’absence ou l’insuffisance de places en unités de psychiatrie pour adolescents ;
    4. les effets d'une médicalisation excessive des problèmes sociaux.


Des indicateurs de santé préoccupants, dans un contexte d'appauvrissement qui touche de plein fouet une partie de la jeunesse

Ces remises en cause sont préoccupantes au regard des indicateurs de santé globale, qui témoignent :
  • d’une augmentation du mal-être et des signes de difficultés psychologiques et sociales d'une partie de la jeunesse, avec des situations de précarité croissante chez les plus jeunes, en particulier chez les jeunes filles ;
  • d’une augmentation des ruptures scolaires (absentéisme, décrochage scolaire) ; 
  •  d’un accès aux soins de plus en plus difficile pour les étudiants ; 
  • d’une augmentation des IVG parmi les plus jeunes 
  • d’une augmentation des demandes de soutien des familles ; 
  • d’une désertification des actions de prévention et de soin en milieu rural.

Malgré l’accent mis sur la prévention dans les textes, le constat est radical : les financements dédiés à cette prévention et aux dispositifs d’accompagnement sont mis en question. Sur le terrain, les fermetures et disparitions de structures d’intervention majeures pour la cohésion sociale et la bonne santé des jeunes se multiplient, en dépit de nombreux rapports et analyses qui font état de la nécessité d’agir le plus en amont possible des situations de crise.


Loin d'une superposition ou d'un éparpillement de mesures qui dépendent de plusieurs ministères, il est nécessaire d'élaborer avec l’ensemble des acteurs concernés une politique de santé qui intègre les différents champs somatique, psychique et social, dans une continuité des dispositifs allant de l'accueil de tous aux soins des plus vulnérables, en passant par la prévention, l'éducation à la santé et diverses formes d'accompagnement social, éducatif et thérapeutique. Cette politique doit être adaptée aux besoins spécifiques des adolescents, à la nécessité de leur libre adhésion et à leur possible autonomie vis à vis de leurs proches, loin de toute stigmatisation.
 
Nos propositions

Nous, professionnels qui intervenons dans un large champ autour de la santé des jeunes, demandons la mise en œuvre d'une véritable politique de santé globale de la jeunesse, à un niveau national, avec des engagements forts et des moyens pérennes.

Nous proposons :


  • Que soient renforcées et développées des actions de prévention en faveur de la santé des jeunes sur l’ensemble du territoire.
  • Que l’accueil, l'écoute et l'accès accès aux soins des jeunes soient facilités pour eux : libre adhésion, accessibilité sur l'ensemble du territoire, non avance de frais, confidentialité, si besoin anonymat.
  • Que soient renforcés les services de santé scolaires et universitaires, notamment en augmentant le nombre de médecins et infirmiers scolaires.
  • Que les structures de la planification familiale soient dotées et adaptées aux besoins des adolescents.
  • Que soit enfin établi le principe d’une consultation de prévention de longue durée en structure publique et en pratique libérale, qui inclut le dépistage systématique des principaux risques encourus à l’adolescence.
  • Qu’ils bénéficient de lieux de soins ambulatoires et hospitaliers dédiés, en psychiatrie et en médecine de l'adolescent, associés ou séparés, favorisant également le développement de la recherche. 
  • Que soient renforcés les liens inter-structures : structures d’accueil, d’écoute et de soins spécialement destinées aux adolescents et aux jeunes adultes, structures sociales, judiciaires, psychiatriques et sanitaires, avec pour objectif de développer la continuité dans l’accueil, l’orientation et l’accompagnement des jeunes, mais aussi l’échange de pratiques professionnelles et l’examen des situations difficiles.
  • Que soit assurée la formation des professionnels de santé et du travail social à l’abord des adolescents, et que soient reconnues leurs compétences spécifiques par la création d’un référentiel métier.